lundi 13 février 2006

Février 1983

Ma rencontre avec F. en 1983:

"Trois jours après je suis retourné au sauna à B. Retrouver le chemin dans le dédale des rues de cette grande ville suisse fut une chose assez aisée et peu après j'arborais la tenue réglementaire du lieu: nu avec une simple serviette autour de la taille . J’étais déjà un vieil habitué si je puis dire : faire les choses n' est difficile que la première fois, la deuxième fois c’est déjà de l’habitude. Je suis tout de suite allé transpirer, ce qui était un fort agréable moment. Dans la grosse chaleur, allongé à ne rien faire, je me suis plongé dans pensées. J’avais déjà raconté mes précédents émois homosexuels à E. qui s’en était bien amusée en me prédisant « que je ne m’arrêterai pas en si bon chemin », me déculpabilisant d’un coup, de sorte que grâce à elle, j’étais très serein cette fois-là en cet endroit là...

Je commençais à regarder véritablement les hommes qui étaient autour de moi. Certains étaient plus jeunes, d’autres plus petits, d’autres plus bruns que moi. Il y avait là un panel de ce qui peut se voir dans les rues, des gens tout à fait ordinaires finalement...

En sortant du sauna chaud, après avoir bien transpiré, j’ai pris la décision de draguer un mec . C’est ainsi que je me suis mis en chasse. J’étais venu assez tôt pour avoir une grande soirée devant moi et j’ai arpenté les couloirs de l’établissement pour trouver un partenaire qui me plairait. Le choix d’un autre est toujours une affaire de compromis . J’ai vite compris aussi que mes goûts n’étaient pas souvent réciproques et, enfin, comment faire savoir à l’inconnu que l’on croise qu’on a envie de s’isoler avec lui.

J’ai passé quelques temps à voir de beaux spécimens de garçons s’en aller avec d’autres et je fus souvent sur le point de choisir la solution de m'enfermer dans le sauna humide avec ses hordes frénétiques, ce qui me garantissait presque à coup sûr la félicité d’un orgasme sauvage, mais à force de tourner, et de faire la grue presque comme une pute au bord du trottoir, je finis par intéresser quelqu’un et je suis rentré avec lui dans une cabine.

Mon compromis était fort honorable, car à part des lunettes qu’il ne pouvait pas quitter en raison d’une myopie assez prononcée, c’était un beau mec. A cette époque j’étais moi aussi pas mal, brun, longiligne, barbu , avec de grands yeux . Nous avions, en gros, un corps qui se ressemblait, mais il était juste un peu plus petit que moi. En raison de je ne sais quoi, peut être de l’hésitation qu’il manifesta avant de venir dans la cabine comme s’il allait lui en coûter de pêcher en ma compagnie, de la manière dont il enleva ses lunettes en repérant bien l’endroit où il les posait, du silence qu’il garda, de la timidité de ses gestes alors que j’attendais à ce qu’il aille droit au but et qu’il me prenne le sexe entre les mains, j’ai pensé, je ne sais pas trop pourquoi, que j'étais avec un curé. Nous avons cependant poursuivi notre affaire et, lui dans ses pensées, et moi dans les miennes, nous sommes arrivés à jouir tous les deux.

Après les quelques instants d'apaisement qui suivirent l’orgasme il me parla en allemand. Je dus lui répondre en français que je ne comprenais pas cette langue et il continua en me disant, en riant, qu’il m’avait pris pour un suisse, s’excusant d’ailleurs de ne pas tout à fait bien parler le dialecte propre à la ville où nous étions. Je lui ai répondu que, s'il m'avait pris pour un suisse, je l’avais pris pour un curé, ce qui le fit rire davantage. J’ai poursuivi en lui disant que je ne n'aurais pas sû dire pourquoi. Ma réponse lui fit remettre ses lunettes et il me regarda attentivement dans la mesure où la lumière très atténuée de l’endroit pouvait le lui permettre.

"Peut être à cause des lunettes, poursuivis-je ! "

C’était des lunettes métalliques à verres absolument ronds, modèle qu’on ne voyait plus depuis les années quarante. Comme je lui fis remarquer l'archaïsme de ses montures, il me répondit qu’il était lui même anachronique. Je lui ai répliqué que j’étais ravi de rencontrer quelqu’un d’anachronique puisque ma vie l’était fondamentalement devenue . De là nous avons poursuivi notre conversation pendant un moment. Pour terminer, avant de sortir de la cabine il me dit qu’il aimerait bien me revoir. C’était un désir partagé et au moment de se quitter il me laissa son numéro de téléphone et m’apprit son prénom : F. "

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